Jamel El-Benna et Pham My-Chan Dang
Université de Paris, INSERM-U1149, CNRS-ERL8252, Centre de Recherche sur l’Inflammation (CRI), Laboratoire d’Excellence Inflamex, Faculté de Médecine Xavier Bichat, 75018 Paris, France.
Les polynucléaires neutrophiles (PN) sont les leucocytes circulants les plus abondants. Les PN sont des cellules différenciées en phase terminale et ont une courte durée de vie, mais sont essentielles à la défense de l’hôte contre les microbes. Ce sont les premières cellules à migrer hors de la circulation et à être massivement recrutées sur le site d’infection où elles reconnaissent les microbes via différents récepteurs exprimés à leur surface cellulaire, induisant ainsi l’englobement du microbe dans un phagosome où il est éliminé grâce à la libération des formes réactives de l’oxygène (FRO ou ROS), de la myéloperoxydase, des glucosidases, des protéases et des peptides antibactériens. Les microbes peuvent également être piégés et tués par les « pièges extracellulaires des neutrophiles » (PENs ou NETs). Les PN peuvent mourir par apoptose, NETose, autophagie, pyroptose, nécroptose ou nécrose. Ils sont ensuite phagocytés et éliminés par les macrophages locaux via un processus appelé efférocytose, entraînant le nettoyage du site d’infection. Cependant, l’activation excessive et l’apoptose retardée des PN, favorisent les lésions tissulaires et les réactions inflammatoires persistantes, qui sont impliquées dans les maladies inflammatoires tels que la polyarthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires de l’intestin, l’inflammation pulmonaire et la septicémie. Dans les tissus, les PN ont une durée de vie plus longue que dans le sang circulant en raison de la présence de facteurs de survie tels que le G-CSF et le GM-CSF au site inflammatoire. Cependant, les facteurs responsables de la dérégulation de l’apoptose des neutrophiles dans les conditions inflammatoires ne sont toujours pas complètement identifiés. Dans le numéro récent de Blood, Wang et al** démontrent que PD-L1 joue un rôle clé dans le retard de l’apoptose des neutrophiles au niveau du site inflammatoire en activant la voie PI3K-AKT.
« La protéine de mort cellulaire programmée-1 » (PD-1), exprimée sur les cellules immunitaires, est un récepteur inhibiteur de point de contrôle immunitaire qui déclenche des voies de signalisation immunosuppressives. PD-1 se lie à PD-L1 ou PD-L2 et bloque les signaux d’activation des récepteurs des cellules T et CD28. PD-1/PD-L1 fonctionne comme des freins pour limiter la réponse immunitaire adaptative, principalement les fonctions bénéfiques des cellules T dans le cancer. PD-L1 est exprimé au niveau de la membrane plasmique des lymphocytes T, des lymphocytes B et des cellules présentatrices d’antigènes et dans certains tissus non lymphoïdes et cellules non immunitaires. Les cellules cancéreuses expriment également PD-L1, qui se lie à la PD-1 à la surface des cellules T, leur permettant d’échapper à la réponse immunitaire de l’hôte. Ainsi, des anticorps anti-PD-1/anti-PD-L1 ont été utilisés pour traiter divers types de cancer. Dans cette nouvelle étude, Wang et al**., montrent que PD-L1 est surexprimée dans les neutrophiles de patients atteints de sepsis et que cette expression est corrélée avec la survie des neutrophiles. L’inhibition de l’expression de PD-L1 à l’aide de si-RNA accélère l’apoptose des neutrophiles de patients atteints de sepsis. Les PN stimulés par l’IFN-γ+LPS et les PN de patients atteints de sepsis présentent une phosphorylation accrue d’AKT, qui peut être inversée par les si-ARN de PD-L1. Les auteurs montrent également que PD-L1 se lie à la sous-unité p85 de PI3K, la kinase en amont d’AKT. In vivo, la suppression de PD-L1 dans les neutrophiles réduit l’infiltration pulmonaire des neutrophiles dans un modèle murin de ligature et de ponction du caecum et atténue les lésions pulmonaires. Ainsi, l’augmentation de l’expression de PD-L1 sur les neutrophiles humains pendant l’inflammation retarde l’apoptose cellulaire via la voie PI3K-AKT, entraînant ainsi des lésions pulmonaires et la hausse de mortalité. L’étude de Wang et al**., apporte de nouvelles informations significatives dans le domaine des neutrophiles. Le premier message important est que PD-L1 n’est pas seulement un acteur clé dans l’immunomodulation du cancer, mais aussi dans l’inflammation, faisant de lui une nouvelle cible pharmacologique potentielle dans les maladies inflammatoires. Il serait ainsi intéressant de tester les anticorps anti-PD-L1 dans les pathologies inflammatoires. La seconde, est que la régulation positive de PD-L1 dans les neutrophiles pendant l’inflammation et la septicémie favorise leur survie. Le troisième est qu’il met en évidence le rôle nouveau et important de PD-L1 en tant qu’inducteur de la voie de signalisation PI3K-AK, connue pour réguler de nombreuses fonctions inflammatoires des neutrophiles. Ainsi, cette étude constitue une avancée majeure à notre compréhension de la biologie des neutrophiles.
*Résumé de l’éditorial publié par El-Benna J, Dang PM. Live or die: PD-L1 delays neutrophil apoptosis. Blood. 2021 Sep 2;138(9):744-746.
**Wang J, Wang Y, Xie J, Zhao Z et al. Upregulated PD-L1 delays human neutrophil apoptosis and promotes lung injury in an experimental animal model of sepsis. Blood. 2021, Sep 2;138(9):806-810.